mercredi 2 mars 2016

TANGOS (Jean-Paul Nozière - Fleuve Noir)

Jean-Paul Nozière a le tort d'écrire depuis plus de vingt ans, surtout pour la jeunesse : on a presque fini par oublier le (très) grand auteur de noir qu'il était. Publié en 1998, Tangos illustre bien tout le savoir-faire de cet auteur, ex prof d'histoire-géo et ex documentaliste. En route donc pour Sponge, à la rencontre de Milou et des autres...


Milou se croyait intouchable, régentant la petite ville de Sponge à coups de pots-de-vin, dirigeant son supermarché d'une main de fer, rudoyant son serviteur Maurice si dévoué dans leur étrange relation. Milou apprendra à ses dépens qu'une vie peut déraper, qu'il suffit d'une auto-stoppeuse pour accroître son trouble et que beaucoup l'attendent au tournant...  

ALORS ?

Jean-Paul Nozière
Milou, personnage central de Tangos, est monté très haut, il a pris sa revanche sur la "société" (comme on dit) mais Milou est aussi un beau salaud. Et il va descendre bas, très bas. Le roman noir se repaît avec gourmandise de ces trajectoires brisées : certains personnages l'ont mérité, d'autres pas mais la descente aux enfers est la même pour tous. J.-P. Nozière ne ménage pas son Milou et on comprend vite qu'il va y avoir du sang. Mais la réussite majeure de Tangos tient à son portrait acide d'une petite ville de province (Sponge), ses dessous de table, sa médiocrité ordinaire, mélange de lâcheté, de haine rentrée et de petits arrangements entre soi. Jean-Paul Nozière décrit une communauté servile qui passe avec une facilité déconcertante de la soumission à l'esprit de lynchage : ce basculement, de la victime vers le bourreau, du salaud vers le pathétique (dans le cas de Milou, anti-héros promis à l'autodestruction) électrise Tangos. Son atmosphère poisseuse évoque aussi bien la petite bourgeoise veule de Simenon que la paranoïa et la folie de Jim Thompson (1275 âmes) où les relents de lynchage de Bill Pronzini (Le crime de John  Faith). Sur fond d'Arno, d'Eddy Mitchell, ou de Marvin Gaye , J.-P. Nozière signe un roman noir au cordeau, qui chahute son lecteur et n'oublie pas d'être intelligent. 

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