dimanche 27 mars 2016

TETRAMERON (José Carlos Somoza - Actes Sud)

Les contes ne sont pas que pour les enfants, au contraire ! Dans ce roman à tiroirs, l'espagnol José Carlos Somoza nous fait pénétrer au coeur d'une étrange société secrète qui se régale d'histoires aussi énigmatiques que cruelles. A se demander d'ailleurs si le livre entier n'est pas lui-même une immense énigme où le lecteur aurait tôt fait de se perdre...


lundi 14 mars 2016

DE VISU (Jim Crace - Rivages)

Loin de l'engouement pour les intrigues post-apocalyptiques et de la furie des invasions zombiesques, le discret Jim Crace livrait en 2009 sa vision de l'après fin du monde dans un roman sans esbroufe mais prenant, plus proche de Malevil ou La Route que de Mad Max. Retour sur un titre injustement méconnu...


mercredi 2 mars 2016

TANGOS (Jean-Paul Nozière - Fleuve Noir)

Jean-Paul Nozière a le tort d'écrire depuis plus de vingt ans, surtout pour la jeunesse : on a presque fini par oublier le (très) grand auteur de noir qu'il était. Publié en 1998, Tangos illustre bien tout le savoir-faire de cet auteur, ex prof d'histoire-géo et ex documentaliste. En route donc pour Sponge, à la rencontre de Milou et des autres...


lundi 15 février 2016

LES OREILLES DU LOUP (Antonio Ungar - Points Seuil)

Présenté comme un jeune prodigue de la littérature, le colombien Antonio Ungar faisait sensation en 2008 avec ces "oreilles du loup", roman sensible et atypique où le lecteur redécouvre le monde à travers le regard... d'un enfant de cinq ans. Un livre déroutant, une expérience de lecture qui l'est tout autant...


samedi 13 février 2016

L'INDESIRABLE (Sarah Waters - 10-18)


N'en faisons pas mystère : Sarah Waters est l'une des romancières les plus douées de son époque et ses livres doivent forcément occuper une place de choix dans toute bibliothèque digne de ce nom. Et c'est peu dire que cette incursion dans le roman gothique a excité notre appétit de lecteur...  


lundi 9 novembre 2015

LES FERRAILLEURS vol.1 : LE CHÂTEAU (Edward Carey - Grasset)

Évoquer Charles Dickens et Tim Burton (rien de moins !) pour présenter un nouveau livre, c'est forcément placer la barre assez haut et, du coup, susciter une attente fébrile chez le lecteur qui n'en demandait pas tant. Avec ce premier volume de la trilogie des "Férrailleurs", Edward Carey met les petits plats dans les grands pour un résultat... digeste ? 


dimanche 2 février 2014

LES OREILLES SUR LE DOS (Georges Arnaud - Phébus)

Un roman d'aventure comme on n'en fait plus. Des personnages aux gueules de série B. Une fuite sans issue. Dieu qu'il fait chaud, Dieu que c'est noir... Après Le salaire de la peur (adapté au cinéma par Clouzot et, plus tard, William Friedkin), Georges Arnaud replonge en 1953 dans l'enfer moite de l'Amérique du Sud... 


dimanche 19 janvier 2014

UNE COLLECTION TRES PARTICULIERE (Bernard Quiriny - Seuil)

Des nouvelles fantasques ? Fantastiques ? Mieux : une tonne d'imagination au service d'un univers souvent drôle mais aussi poétique. Bernard Quiriny (auteur belge, ça a forcément quelque chose à voir) a des talents de magicien et un imaginaire qui n'appartient qu'à lui. Un ravissement je vous dis !

lundi 17 juin 2013

BLESSEES (Percival Everett - Actes Sud)

Dans le Wyoming profond, les hommes révèlent leur vrai nature. C'est beau, intense, mais aussi... sauvage. Amateurs de grands espaces, vous allez respirer à pleins poumons ce western moderne. Un roman au caractère bien trempé, signé par un professeur d'université qui a souvent traité des questions raciales.


samedi 1 juin 2013

THERESE DESQUEYROUX (François Mauriac - Le Livre de Poche)


Vous vouliez un classique, un lourd ? Voilà Thérèse Desqueyroux, du vénérable François Mauriac. A priori, pas de quoi s'exciter dans la mesure où les classiques vieillissent (souvent) mal. Mais, surprise, ce portrait de femme tragique dans la France des années 20 déploie des charmes insoupçonnés...


samedi 20 avril 2013

LE TUTU (Princesse Sapho - Tristram)

Titre ridicule, auteur inconnu, origines mystérieuses : Le Tutu se pose là comme un drôle d'objet littéraire, entre canular et farce bien gratinée... C'est peu dire que l'on ouvre le Tutu avec appréhension mais la curiosité l'emporte finalement. Prêt pour une expérience de lecture off limits ?

samedi 6 avril 2013

BARCELONE NOIR (Divers - Asphalte)


14 auteurs espagnols et catalans (dont Andreu Martin, Antonia Cortijos, Teresa Solana,...) consacrent Barcelone comme capitale du polar dans ce recueil de nouvelles bien fourni. A priori une bonne idée mais pas sûr que le livre tiennent toutes ses promesses...


samedi 23 mars 2013

L'ODEUR DU FIGUIER (Simonetta Greggio - Le Livre de Poche)
QUI ? Simonetta Greggio est une romancière italienne qui écrit en français. Arrivée à Paris en 1981, où elle vit depuis, elle a été journaliste pendant plusieurs années, collaborant à des revues et magazines divers dont City, Télérama, La Repubblica, Figaro Madame… Elle est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages d’art de vivre consacrés aux jardins et à la cuisine, et notamment des premiers Guide des auberges et hôtels de charme en Italie. Son premier roman, La douceur des hommes, paru chez Stock en 2005, a été consacré par le magazine Lire parmi les vingt meilleurs livres de l’année.
QUAND ? Italie, ces dernières années.
QUOI ? Cinq nouvelles sont au menu : Aquascura (un jeune couple s'installe dans une cabane perdue dans la nature pour les vacances d'été) ; Plus chaud que la braise (vingt ans après, les retrouvailles passionnées d'un homme et d'une femme) ; Quand les grands seront maigres (un retraité se retrouve piégé dans un ascenseur) ; L'année 82 (la passion destructrice d'une jeune femme pour un homme tourmenté) ; Fiat 500 (idylle fugace sur les routes d'Italie).
Simonetta Greggio
ALORS ? Parfums, soleil d'été, rivages bleutés, Aquascura, la nouvelle qui ouvre le livre, ne dément pas le titre du recueil, tout en sensation subtile mais prégnante. La description de ces vacances au rythme indolent est d'une justesse rare, la chaleur, les parfums, les matières : tout est palpable dans ce décor à la lumière si belle. S. Greggio y mêle doucement les incertitudes du coeur pour révéler brutalement la violence des sentiments mais aussi de la nature, belle mais aussi dangereuse. Un très beau travail d'écrivain, intimiste et généreux, qui se savoure lentement, au rythme d'une langueur toute calculée. Plus chaud que la braise et L'année 82 sont des histoires d'amour douloureuses où le triangle amoureux (thème omniprésent chez l'auteur) révèle déchirures et tourments car, décidément, l'amour fait mal ! Quand les grands... interrompt les transports amoureux pour laisser place à une histoire étonnamment sombre : un vieillard agonise dans un ascenseur : son passé défile devant ses yeux, son histoire mais aussi celle de son pays, jusqu'à la chute. Métaphore glaçante sur le destin de l'Italie actuelle ? A voir... Quant à Fiat 500, anecdotique, elle est à oublier.

samedi 9 mars 2013

ACCABADORA (Michela Murgia - Seuil)
QUI ? Michela Murgia est née à Cabras en 1972. Après Accabadora, Prix Page des libraires 2011, elle a publié en Italie Ave Mary, un essai sous-titré « Et l'Eglise créa la femme ». Ses livres sont traduits dans de nombreuses langues. Elle vient de publier La guerre des saints, toujours au Seuil.
QUAND ? Sardaigne, années 50.
QUOI ? Dans un petit village sarde, la vieille couturière, Tzia Bonaria, accueille chez elle Maria, « cédée » bien volontiers par une veuve d’humbles origines. Elle offrira à sa « fille d’âme » son métier et des études. Maria grandit entourée de soins et de tendresse; mais certains aspects de la vie de Tzia Bonaria la troublent, en particulier ses mystérieuses absences nocturnes. Elle ignore en effet que la vieille couturière est, pour tous ses concitoyens, l’ accabadora, la « dernière mère »...
ALORS ? Elle même d'origine sarde, Michela Murgia n'a pas eu à chercher très loin le sujet de ce roman : en effet, jusqu'aux années 50, les "accabadora" ont été des figures marquantes de la tradition sarde. Leur rôle consistait, avec l'accord des familles, à abréger les souffrances des agonisants et à les aider à mourir. Cette euthanasie rituelle, ce "savoir" venu du fond des âges est au cœur de l'histoire de filiation et de transmission qui se noue entre Tzia Bonaria et Maria. Bien sûr, il y a la Sardaigne, puissamment incarnée par les décors et les personnages. A sa façon, Michela Murgia est un auteur régionaliste, nourrie par ses racines et fervente de ses origines. Mais elle ne verse jamais dans le pittoresque ou le chromo nostalgique, il s'agit d'abord d'une histoire de femmes, d'émancipation et, finalement, d'amour. Cela donne au final un roman d'excellente facture même si M. Murgia va parfois un peu trop vite et, à force d'ellipses, affaiblit son récit. On aurait aimé rester plus longtemps sur ces terres magnifiques et en apprendre plus sur cette fameuse accabadora...

vendredi 8 mars 2013

MA SOEUR VIT AU-DESSUS DE LA CHEMINEE (Annabel Pitcher - Pocket)
QUI ? Annabel Pitcher a étudié la littérature à Oxford. Ma sœur vit sur la cheminée est son premier roman, écrit pendant un tour du monde, et traduit dans une dizaine de langues.
QUAND ? Années 2000, Angleterre.
QUOI ? La mort de Rose, tuée dans un attentat terroriste à Londres, a détruit sa famille. Ses parents ne peuvent supporter leur douleur et négligent quelque peu leurs autres enfants : Jasmine la soeur jumelle de Rose et le petit dernier, Jamie. Ce dernier, pour affronter les autres, se réfugie dans un monde de superhéros, ce qui lui permettra de s'allier à une petite fille tout aussi malicieuse que lui.
ALORS ? Les premiers paragraphes du livre, glaçants, donnent tout de suite le ton : il va être question de mort (et pas n'importe laquelle, la pire, celle d'un enfant), de survie, et d'innocence. Au milieu des décombres d'une famille atomisée par la douleur, Jamie, ans, se pose comme le témoin candide (il n'a jamais connu sa soeur défunte) d'une vie à (re)construire. Dans sa nouvelle école, il doit en plus affronter la bêtise et l'exclusion mais la rencontre avec Sunya, jeune musulmane au caractère bien trempé, libère Jamie de sa prison. Premiers émois, premiers doutes (les parents de Sunya font-ils partie des terroristes qui ont tué sa soeur ?), Jamie se retrouve bientôt au coeur du cyclone... et le lecteur avec lui ! Impossible de lâcher Jamie, fragile héros écrasé par un quotidien trop lourd. On pleure avec lui, on tremble pour lui, on espère aussi pour lui. Annabel Pitcher signe là un immense mélodrame qui s'assume comme tel : sincère et profondément touchant.  

vendredi 14 octobre 2011

INDIAN CREEK, UN HIVER AU COEUR DES ROCHEUSES (Pete Fromm - Gallmeister)

QUI ? Pete Fromm, né en 1958, ex-ranger devenu écrivain et chantre des grands espaces et de la vie en pleine nature. Est considéré comme l'une des voix importantes de la fameuse école du Montana.
QUAND ? Les montagnes Rocheuses, Idaho, entre 1978 et 1979.
QUOI ? En 1978, le jeune Pete Fromm (qui étudie la biologie animale à l'université de Montana) est embauché par l'office de réglementation de la chasse et de la pêche de l'Idaho pour rester seul dans les montagnes, en plein coeur de l'aire naturelle protégée de Selway-Bitterroot, à surveiller l'éclosion d'oeufs de saumon...
ALORS ? Pete Fromm, c'est un peu le mythe de l'homme des bois devenu réalité, l'expérience ultime de l'homme seul face à la nature et à lui-même, bref une aventure moderne aux résonances antédiluviennes (et le fantasme de pas mal de gens par la même occasion). Pas étonnant que son Indian Creek soit devenu un classique instantané du nature writing : la sincérité de Fromm (son humour aussi) sert de voix à un hymne discret mais touchant aux grands espaces, aux montagnes et aux forêts. Ici, la nature aide à grandir, elle pousse au dépassement de soi et transcende l'homme. La démonstration, limpide, a quelque chose d'exaltant et on goûte au témoignage de P. Fromm comme à une fontaine de jouvence.

UN HIVER DE GLACE (Daniel Woodrell - Rivages/Noir)

QUI ? Daniel Woodrell, auteur américain de romans noirs. Il situe tous ses écrits dans la région des Ozarks, état du Missouri, soit l'Amérique rurale et (très) profonde. On parle d'ailleurs à son sujet de "country noir".
QUAND ? De nos jours.
QUOI ? Jessup Dolly est parti de chez lui, abandonnant à leur sort ses trois enfants et une épouse qui n’a plus toute sa tête. Dans cette maison isolée et glaciale, où les placards sont vides, Ree, l’aînée, veille comme elle le peut sur le reste de la famille. Elle apprend que son père a bénéficié d’une mise en liberté conditionnelle moyennant une hypothèque sur la maison. S’il ne se présente pas au tribunal, les Dolly seront sans toit, au cœur de l’hiver. Alors Ree prend la route et affronte la neige, la nuit, le froid, et surtout l’hostilité des autres membres du clan, qui n’aiment pas qu’elle vienne poser des questions...
ALORS ? Une jeune fille, entourée de son frère et sa sœur, livrés à eux-mêmes, en lutte contre l'adversité pour préserver leur toit, cela pourrait être du Dickens ou peut-être plus simplement un conte de fées ténébreux, aussi obscur que les inquiétantes forêts des monts Ozarks. Mais nous sommes bien dans un roman noir, une plongée crue et glaciale dans l'Amérique déshéritée des "white trash", une Amérique pas très éloignée du Delivrance de John Boorman. Un peu à la façon d'un ethnologue, Woodrell décrit un fascinant microcosme avec son système de clans, ses mœurs brutales et ses habitants d'un autre âge. On y croit, le roman fonctionne parfaitement et on suit la quête de Jessup l'estomac noué. En priant que le grand méchant loup ne la dévore pas au détour d'un chemin...

lundi 19 septembre 2011

MON VIEUX ET MOI (Pierre Gagnon - Autrement)

QUI ? Pierre Gagnon est né en 1957 à Arthabaska. Il vit à Québec depuis 1960. D'abord musicien, il signe là son quatrième roman.
QUAND ? Québec, de nos jours.
QUOI ? À la retraite, le narrateur décide d'adopter Léo, 99 ans, que rien ne prédestinait à venir s'installer chez lui. C'est le début d'une grande aventure, faire de tour petits riens. De silences qui veulent dire beaucoup, de tendresse, de rires pour conjurer le déclin... Mon vieux et moi, est-ce que ça peut durer toujours, comme dans les romans d'amour ?
ALORS ? Adopter un "vieux" comme on adopte un chien ? Jolie provocation et belle entrée en matière pour une réflexion acide mais tendre sur la vieillesse. Mais P. Gagnon n'est pas à la hauteur de son sujet, on le sent trop hésiter entre la satyre et le discours plus "social". Manque de rythme aussi... Plus aboutie, l'empathie que Gagnon a pour ses personnages révèle une belle finesse dans l'observation et le portrait. Mais on ne quitte jamais le domaine de l'anecdotique ou de l'effleurement, un peu comme si l'auteur passait à côté de son texte sans vraiment le voir. Très (trop ?) court, Mon vieux a au moins le mérite de sa sincérité...

lundi 12 septembre 2011

JE N'AI PAS PEUR (Niccolo Ammaniti - Le Livre de Poche)

QUI ? Niccolo Ammaniti, écrivain italien parmi les plus talentueux de son temps. On lui doit notamment Et je t'emmène et Comme Dieu veut.
QUAND ? Italie, fin des années 70. 
QUOI ? Six gamins s'aventurent à bicyclette dans la campagne brûlante. Au cœur de cet océan de blé, il est un secret effrayant, un secret dont la découverte changera à jamais la vie de l'un d'eux, Michele...
ALORS ? Je n'ai pas peur est un roman tiré au cordeau, perpétuellement tendu, écrasé par la chaleur des champs de blé et le terrible mystère qui nourrit le livre de la première à la dernière page. Le style d'Ammaniti brille par sa concision et son formidable pouvoir d'évocation : quelques mots suffisent à rendre palpable le climat dense de ce récit initiatique, à la fois thriller implacable et évocation poétique de la vie rurale et de l'enfance. La voix n'est pas la même mais la comparaison avec Eri De Luca vient assez naturellement : évocation de l'enfance, mots limpides, poésie discrète, il y a chez chacun d'entre eux un rapport à l'écriture quasi immédiat, où tout est donné au lecteur avec chaleur et sincérité. Je n'ai pas peur, c'est cela : une littérature sensible, simple où les émotions vibrent de la plus belle des façons. Magnifique !

samedi 3 septembre 2011

ELRIC, LES BUVEURS D'ÂMES (Michael Moorcock, Fabrice Colin - Fleuve Noir)

QUI ? Fabrice Colin, auteur français (très) bien connu des amateurs de fantasy et de science-fiction. Michael Moorcock, légende vivante de la fantasy moderne, père d'Elric le nécromancien et d'autres anti-héros du même acabit.
QUAND ? En des temps immémoriaux, quelque part entre plans et dimensions d'un autre monde...
QUOI ? Prince déchu, dévasté par la mort de son aimée, Elric de Melniboné a juré de ne plus jamais se servir de Stormbringer, son épée maudite qui boit les âmes et lui procure sa puissance et sa vitalité. Accompagné de son fidèle compagnon Tristelune, Elric, abattu et mourant, part en quête de son dernier espoir : l’Anémone Noire, une plante magique ne fleurissant qu’une fois par siècle, qui pourrait lui redonner des forces et de grands pouvoirs...
ALORS ? Elric, ah, Elric ! Quintessence géniale de l'anti-héros romantique, icône gothico-vampirique insurpassable, l'Albinos à l'épée suceuse d'âmes fait un come-back inattendu sous la plume du scribe F. Colin et le haut patronage du grand prêtre Moorcock. Honnêtement, le livre n'apporte rien à la légende mais ces aventures du Ménilbonéen dans la jungle se boit comme du petit lait. On a parfois l'impression d'une version fantastique d'Aguirre ou d'Apocalypse Now ou d'un Indiana Jones défoncé à l'horreur et à la fantasy. Plaisant ! Et puis Colin se montre à la hauteur : style impeccable, bon rythme et respect pointilleux de l'univers de Moorcock. Bref, tout ce qu'il faut pour rendre un livre délectable...

samedi 27 août 2011

LA POUSSETTE (Dominique de Rivaz - Buchet Chastel)

QUI ? Dominique de Rivaz vit à Berlin et à Berne. Cinéaste, photographe, elle a publié son premier roman, Douchinka, aux éditions de l'Aire - prix Schiller Découverte.
QUAND ? De nos jours, indéterminé.
QUOI ? Une jeune femme raconte son histoire. Elle essaie d'oublier l'événement qui l'a pour toujours figée dans l'adolescence (un accident de poussette, ma mort d'un nouveau né). Comment vivre après cela ? 
ALORS ? Tiens, tiens, voilà un drôle de roman ou plutôt de... conte, moderne bien sûr mais conte quand même. L'héroïne, femme enfant en mal de maternité, raconte le monde d'une voix naïve et décalée, il s'en dégage une curieuse poésie, souvent drôle, touchante. Ici, les princes charmants ont les traits d'hommes grenouilles ramasseurs de balles de golfs (!), le réel flotte en permanence dans un nuage édulcoré où une Amélie Poulain aurait sans doute trouvé sa place. Mais le drame, la folie, guettent, on entend leur petite voix sourde derrière les mots, ils nous rappellent insidieusement que les princesses sont aussi des femmes fracassées qui tentent d'oublier. Mais rien ne dit qu'elles y parviennent... Drôle de livre donc que cette "poussette" mais D. de Rivaz a réussi le pari de l'originalité et de l'insolite. Jolie petite surprise.

vendredi 26 août 2011

MARINA (Carlos Ruiz Zafon - Robert Laffont)

QUI ? Carlos Ruiz Zafon ! Ne me dites pas que vous ne le connaissez pas !?
QUAND ? Barcelone, années 80.
QUOI ? Oscar Drai, quinze ans, a disparu pendant une semaine du pensionnat où il est interne. Où est-il allé et que lui est-il arrivé ? Quand l’histoire commence, Oscar vagabonde à travers Barcelone. Attiré par une mystérieuse maison apparemment abandonnée, il pénètre à l’intérieur. Se croyant seul, il commence ses investigations. Alors qu’il est en train d’examiner une curieuse montre à gousset laissée sur une table, il se rend compte que quelqu’un l’observe. Terrorisé, il s'enfuit. En rentrant au pensionnat, il s’aperçoit qu’il a gardé la montre...
ALORS ? Après la déception (relative mais bien réelle) du très (trop ?) attendu Jeu de l'Ange, la ressortie de ce roman paru en 1999 (et destiné dans un premier temps au public adolescent), avait de quoi susciter quelques doutes légitimes. Funeste erreur ! Marina se révèle un excellent roman-feuilleton où Zafon dévoile déjà une bonne partie de ses talents de conteur et de faiseur d'histoires. Pas un seul temps mort, des mystères et des rebondissements à chaque page, on a l'impression d'embarquer dans un train fantôme qui n'en finit pas de virevolter et de tourner. Certains font passer Marina pour une sorte de brouillon de L'ombre du vent mais, sous ses airs de Disparus de Saint-Agil gothique, il peut se targuer de belles réussites, à commencer par son ouverture sans complexe à l'horreur et au fantastique. Plus qu'une mise en bouche, une parfaite introduction aux méandres de Barcelone et de ses insondables mystères...

mercredi 3 août 2011

SECRETS D'ALCÔVE (Carmen Domingo - Stock)

QUI ? Carmen Domingo est née en 1970 à Barcelone. Diplômée en philologie hispanique à l’université de Barcelone, elle a collaboré avec diverses maisons d’éditions et revues. Elle travaille aujourd’hui pour plusieurs journaux dont El Viajero, El País, Marie Claire et Time Out. Secrets d’alcôve est son premier roman.
QUAND ? Espagne, prémices de la guerre civile.
QUOI ? Carmen, Pilar, Mercedes pourraient être n’importe quelle femme espagnole des trente premières années du siècle passé. Cependant, le destin a voulu qu’elles soient les compagnes de trois hommes qui ont marqué le devenir de l’histoire récente de l’Espagne, trois des principales figures de la cause fasciste à l'aube de la Guerre Civile et de la dictature. 
ALORS ? La guerre civile vécue du côté franquiste n'est pas une nouveauté, d'autres auteurs ont déjà adopte ce point de vue mais, en choisissant comme protagonistes les femmes ou sœurs des principaux caïques fascistes, C. Domingo donne une tonalité nouvelle au propos. Derrière la leçon d'histoire et la dimension biographique du livre, le portrait croisé de ces femmes révèle un instantané de la condition féminine et, plus largement, de la société espagnole de l'époque. Le courage, la bêtise, la dévotion ou l'amour ne sont bien sûr d'aucun parti et, face à la violence et à l'imminence de la mort, ils s'emparent tour à tour des trois "héroïnes" et les entraînent vers des destins contrastés. Dommage cependant que C. Domingo n'ait pas su donner plus de corps à son texte. Secrets d'alcôve ne parvient pas toujours à trouver sa route, quelque part entre l'exposé biographique et un romanesque peu affirmé, trop timide pour vraiment nous intéresser complètement.

LE TESTAMENT DE L'EBRE (Jesus Moncada - Autrement)

QUI ? Jesus Moncaca (1941-2005) est né dans la bourgade de Mequinensa en Espagne, province de Saragosse. Il est reconnu comme l'un des meilleurs auteurs catalans.
QUAND ? Entre Catalogne et Aragon, du début du siècle à nos jours.
QUOI ? Mequinensa sait que son inondation est imminente à cause de la construction d'un grand barrage sur l'Ebre. La mémoire de la bourgade s'enflamme alors. Des personnages, du plus incongru au plus ordinaire, traversent un siècle de souvenirs. Les bateaux plats chargés de lignite coulent, des histoires extravagantes remontent des bancs de l'église et des comptoirs des cafés, et les luttes sociales se réveillent. Un tourbillon romanesque s'empare du quai des Veuves comme de la ruelle des Âmes...
ALORS ? Dali désignait la gare de Perpignan comme le centre de l'univers, Jesus Moncada a, quant à lui, reconstitué son propre microcosme entre les murs de Mequinensa, à la fois théâtre et principale vedette d'une aventure humaine aussi fabuleuse que dérisoire, aussi hilarante que tragique. Sur les rives de l'Ebre se joue un concentré de comédie humaine, une superproduction minuscule où Moncada déploie une armada de personnages (héros, salauds, lâches,  seconds couteaux ou jeunes premiers) dans un invraisemblable réseau d'intrigues et de sous-intrigues ou l'anecdote et le ragot marivaudent avec l’épopée et le souffle de la grande histoire. Moncada, humoriste né et fin styliste, nous régale de ses bons mots et joue sur tous les registres de la comédie, on croirait assister à l'impossible rencontre entre Pagnol, Feydeau et Giovannino Guareschi (le père de Don Camillo). Mais au delà de la farce et du trépignement picaresque qui électrisent Maquinensa, l'auteur catalan sait aussi tempérer son petit monde et prendre le temps de l'affliction, de la nostalgie et du drame. On pense à l'extravagante bourgade de Vigata imaginée par Andrea Camilleri ou, dans un registre plus "sérieux", à la Ferrare de Giorgio Bassani mais Moncada a su créer son petit monde rien qu'à lui. Faut-il être brillant et habile pour réussir à mêler aussi savamment les couleurs et peindre une fresque aussi rutilante, capable presque dans le même instant de vous tirer les larmes ou de déclencher le rire ! Surtout ne ratez pas cet immense plaisir de lecture que la catalan Jesus Moncada vous offre, ce serait pêcher que de l'ignorer davantage...

jeudi 2 juin 2011

L'HISTOIRE D'EGDAR SAWTELLE (David Wroblewski - Livre de Poche)

QUI ? David Wroblewski est né et a grandi dans le Wisconsin. A travaillé dans l'informatique avant de cartonner avec ce premier roman.
QUAND ? Epoque moderne, dans une ferme isolée du Wisconsin.
QUOI ? Le jeune Edgar Sawtelle grandit entre son père et sa mère, avec lesquels il ne peut communiquer que par le langage des signes. Depuis deux générations, les Sawtelle élèvent et dressent une race de chiens d’exception, dont Almondine, l’amie de toujours d’Edgar, est un merveilleux spécimen. Mais l’arrivée de Claude, l’oncle du garçon, va perturber la quiétude du foyer…
ALORS ? Parmi l'armada de best-sellers patentés qui déferlent chaque mois chez nos chers libraires, L'histoire... se pose comme un morceau de choix. On aime bien ces pavés copieux où s'immerger de longues heures mais, attention, un slogan accrocheur ("le roman qui a fait pleurer l'Amérique") ou le commentaire enthousiaste d'un confrère en couverture ne suffisent pas toujours à faire un bon livre. Le roman de Wroblewski n'est pas mauvais, loin de là, on s'y laisse prendre assez facilement mais il souffre de quelques déséquilibres gênants : un "méchant" (élément pourtant essentiel) assez transparent, mal incarné, pour tout dire fade ; une progression dramatique diminuée par des longueurs (les précisions sur le dressage des chiens, lassantes) ; une construction hasardeuse (la fuite et l'errance d'Edgar avec ses chiens, certes de jolies pages mais étrangement déconnectées du livre). Bref, on a l'impression que Wroblewski s'est laissé déborder par son sujet. Fera mieux la prochaine fois ?

lundi 14 mars 2011

SUKKWAN ISLAND (David Vann - Gallmeister)

QUI ? David Vann, né en 1966 en Alaska. Passionné de voile, il travaille longuement sur les bateaux et exerce quantité de petits boulots. Il lui faudra dix ans pour rédiger Sukkwan Island et presque autant pour le voir publier.
QUAND ? Époque indéterminée, quelque part sur une île perdue au beau milieu de l'Alaska.
QUOI ? Jim décide d'emmener son fils de treize ans sur une île perdue pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d'échecs personnels, il voit là l'occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu'il connaît si mal...
ALORS ? La presse, les critiques, nous avaient averti : Sukkwan Island est un livre qui emmène loin, un récit brut, sans concession, qui malmène le lecteur et le confronte systématiquement au pire. Dès le début, à l'image de la nature crépusculaire qui entoure ses protagonistes, David Vann insinue l'angoisse, le malaise est latent et l'on devine très tôt que l'expédition père-fils ne peut mener qu'au drame. Mais le coup de théâtre (terrifiant) de la page 113 n'est pas celui escompté : Sukkwan Island n'est pas un récit de survie comme pourrait le laisser croire sa première partie mais plutôt un théâtre de lâchetés, de non-dits et de douleurs enfouis. L'île de Sukkwan, oppressante, hostile, épuise les personnages et les pousse dans leurs derniers retranchements jusqu'à l'explosion. Dans la deuxième partie (particulièrement éprouvante), elle devient une sorte de purgatoire, lieu de folie et de souffrance dont il semble impossible de s'échapper. Car il n'y a pas échappatoire, pas d'issue à la culpabilité et au désespoir, le verdict de David Vann est sans appel. La fin, un peu mal fichue, un peu trop décalée par rapport au reste du livre, ne dit pas autre chose. Mais pourquoi pareille noirceur ? A la lecture des interviews de David Vann, on comprend mieux ce qu'est Sukkwan Island : à la fois un exorcisme et un incroyable objet de thérapie et de rémission. Alors vous aussi, vous voilà prévenus : personne ne sort indemne de Sukkwan Island...

samedi 12 mars 2011

LE CAFARD (Rawi Hage - Denoël)

QUI ? Rawi Hage, né en 1964 au Liban qu'il quitte en 1992 après la guerre civile. Devient ensuite citoyen canadien. Il se partage aujourd'hui entre écriture, arts plastiques et son métier de conservateur.
QUAND ? De nos jours, à Montréal, au Québec.
QUOI ? Réchappé d'une tentative de suicide, le narrateur, immigré originaire d'un pays oriental, est contraint de suivre une psychothérapie. Fou amoureux de Shoreh, une Iranienne torturée par les mollahs, notre homme vit à la petite semaine entre aide sociale et boulots d'appoint...
ALORS ? L'exil, le déracinement, sont-ils solubles dans la bonne conscience ? Que peut espérer un exilé politique, ici Iranien, plongé dans le grand bain de la liberté et des valeurs occidentales ? Sujet casse-gueule que Rawi Hage (lui-même exilé volontaire) prend de front,  sans crainte de heurter les bonnes manières et le politiquement correct.  Le cafard tire sur tout ce qui bouge  : qu'il s'agisse de l'évangélisme et la condescendance de l'Occident ou de l'opportunisme et de la voracité de certains  exilés, l'auteur n'épargne personne, à commencer par son narrateur, irrémédiablement antipathique, symptôme chronique de l'incompatibilité des cultures et des traumatismes indélébiles. Son basculement progressif dans la folie ne fait qu'entériner l'échec annoncé d'une intégration impossible. Son exil est d'abord intérieur, un trou noir sans fond d'où rien ni personne n'est en mesure de le sauver. Le discours est pessimiste, noir mais R. Hage n'a pas signé qu'un brûlot : l'humour, souvent acide, le drame et le désespoir composent ici une drôle de partition, riche d'émotions et de petits instantanés de vie, croqués avec un réel talent. Sur un sujet difficile, aux résonances politiques et sociales, R. Hage n'oublie jamais qu'il est d'abord un romancier, et un sacré bon d'ailleurs...

vendredi 18 février 2011

MONTANA 1948 (Larry Watson - Gallmeister)

QUI ? Larry Watson, né en 1947 dans le Dakota du Nord. Il écrit et enseigne à l'Université. Détail qui a son importance : il est lui-même, comme le jeune héros de ce livre, fils et petit-fils de shérif.
QUAND ? Le titre n'est peut-être pas assez explicite ?
QUOI ? De l'été de mes douze ans, je garde les images les plus saisissantes et les plus tenaces de toute mon enfance, que le temps passant n'a pu chasser ni même estomper. Ainsi s'ouvre le récit du jeune David Hayden. Cet été 1948, une jeune femme sioux porte de lourdes accusations à l'encontre de l'oncle du garçon, charismatique héros de guerre et médecin respecté. Le père de David, shérif d'une petite ville du Montana, doit alors affronter son frère aîné...
ALORS ? Montana... a beau se situer en 1948, ce petite livre sensationnel a la trempe des grands westerns d'Hollywood et on imagine assez facilement ce que Howard Hawks ou Raoul Walsh aurait pu faire d'un pareil matériau. Entre récit d'apprentissage et tragédie familiale, la lutte fratricide qui est au cœur du roman résonne d'accents quasi bibliques. Montana 1948 est un fabuleux digest romanesque où les grandes forces de l'existence s'affrontent et se heurtent, magnifiées par le regard d'un adolescent de douze ans : le Bien contre le Mal, le nouveau monde contre l'ancien, la liberté contre les traditions, le courage d'un seul contre la lâcheté de tous,... Larry Watson va droit au but : avec une belle sobriété, il raconte les illusions perdues, les mythes qui s'éteignent et le douloureux passage de l'enfance à l'âge adulte. Le livre se lit d'un trait et il n'est pas loin de mériter le statut de petit classique...

vendredi 21 janvier 2011

VIES LITTERAIRES (Edward Sorel - Denoël Graphic)

QUI ? Edward Sorel est un dessinateur et un caricaturiste américain qui collabore régulièrement au New York Times, Time Magazine et autres publications.
QUAND ? XXe siècle.
QUOI ? La vie et l'œuvre de dix grands intellectuels croqués en quelques dessins.
ALORS ? Saviez-vous que derrière chaque écrivain se cache un... homme ! C'est ce que semble nous suggérer Edward Sorel qui s'est fait un malin plaisir de nous dévoiler les aspects les moins reluisants et souvent les plus croquignolesques de sommités telles que George Eliot, Carl Jung ou Marcel Proust. On apprend ainsi que Yeats avait de sérieux penchants nazis, Tolstoï se lamentait d'être devenu riche et Brecht était en fait une sacrée crapule ! Le trait brouillon et agité de Sorel illustre bien les turpitudes et le trouble de ces "grands" hommes dont l'Histoire n'a voulu retenir que le meilleur. Avec une belle cruauté et un humour acéré, ce modeste album remet donc gentiment les pendules à l'heure...

dimanche 9 janvier 2011

HAUTES TRAHISONS (Félix de Azua - Seuil)

QUI ? Ecrivain espagnol né à Barcelone en 1940,  Felix de Azua s'est illustré dans les années 1970 parmi la nouvelle vague des poètes espagnols. C'est aussi un romancier spécialement érudit, versé volontiers dans le sarcasme et l'humour grinçant, comme en témoigne son fameux "Histoire d'un idiot raconté par lui-même".
QUAND ? La guerre Civile espagnole, entre Pays Basque français et espagnol.
QUOI ? Un diplomate du gouvernement basque et sa femme sont pris dans les tourments de la guerre.
ALORS ? Ah, voilà une vraie trouvaille, dénichée pour quelques maigres euros chez un bouquiniste (le titre est sinon épuisé). Je dis "trouvaille" car Hautes trahisons est un roman parfaitement iconoclaste, presque excentrique, où des personnages hallucinés, fous ou grotesques, se débattent dans le chaos de la guerre, ballotés entre courage, honneur, lâcheté ou fanatisme. L'intrigue (ou la farce ?) verse volontairement dans la caricature, ce qui n'empêche pas Azua  de déployer une langue subtile, à l'ironie constante, riche de digressions philosophiques, politiques ou religieuses. Soyons clairs, l'auteur n'a pas facilité la tâche à ses lecteurs, les variations de ton et de registre et, somme toute, la densité littéraire de l'objet peuvent effaroucher mais, pour qui tente de franchir ces difficultés, Hautes trahisons réserve quelques pages brillantes.

lundi 3 janvier 2011

Chose promise...

Merci Père Noël, grâce à toi je vais bientôt pouvoir me plonger dans :
De l'eau pour les éléphants (Sara Gruen - Le Livre de Poche)
Le testament de l'Ebre (Jesus Moncada - Autrement)
Sukkwan Island (David Vann - Gallmeister)
Autant de titres que vous retrouverez évidemment dans les colonnes de ce blog d'ici peu...


vendredi 24 décembre 2010

Ah, au fait...

Entre deux messages, j'allais presque oublier : joyeux Noël ! Tiens, je publierai dans les prochains jours la liste des jolis livres trouvés sous le sapin. Suspense ! Ci-contre une illustration d'après l'éternel et impérissable Chant de Noël de Dickens, oeuvre de John Leech, illustrateur (1809-1870). On ne se lassera décidément jamais de cette vieille fripouille d'Ebezener Scrooge !

UN BONHEUR PARFAIT (James Salter - L'Olivier)

QUI ? James Salter, auteur américain né en 1925, influencé par Hemingway et Miller, a marqué la fiction américaine moderne par un style affirmé et une oeuvre très dense, partagée entre roman et autobiographie.
QUAND ? Etats-Unis, années 70.
QUOI ? La lente mais sûre désagrégation d'un jeune couple en apparence parfait.
ALORS? Attention, si vous venez de subir un échec amoureux, passez votre chemin, "Un bonheur parfait" risque bien de ruiner vos derniers espoirs de rencontrer l'âme soeur ! Plus sérieusement, James Salter mérite d'être cité comme l'un des auteurs qui a le mieux saisi le désenchantement amoureux, la trahison, le soupçon puis, au final, la mort pure et simple du couple et de l'amour. Salter écrit et décrit avec finesse le lent mais irrésistible chemin qui mène Nedra et Viri de l'amour bercé d'illusions à la brisure tragique, pathétique, dont on se remet pas. "Un bonheur..." se caractérise aussi par un remarquable travail d'écriture : Salter cisèle ses phrases et, sous une apparente simplicité, construit un texte dense, parfois poétique, toujours émouvant et juste. D'ailleurs, j'ai rarement lu roman aussi triste et désenchanté. Mais c'est un compliment !

jeudi 11 novembre 2010

LE JOUR AVANT LE BONHEUR (Erri de Luca - Gallimard)

QUI ? Erri de Luca, né en 1950 à Naples. Romancier, poète, traducteur, c'est un ancien ouvrier, passionné par l'étude de la Bible. La plupart de ses romans sont d'essence autobiographique.
QUAND ? Naples, dans l'immédiate après-guerre.
QUOI ? Un jeune orphelin, qui deviendra plus tard le narrateur de ce livre, vit sous la protection du concierge, don Gaetano. Ce dernier est un homme généreux et très attaché au bien-être du petit garçon, puis de l'adolescent. Il passe du temps avec lui, pour parler des années de guerre et de la libération de la ville par les Napolitains ou pour lui apprendre à jouer aux cartes. Mais don Gaetano possède un autre don : il lit dans les pensées des gens, et il sait par conséquent que son jeune protégé reste hanté par l'image d'une jeune fille entraperçue un jour derrière une vitre, par hasard, lors d'une partie de football dans la cour de l'immeuble. Quand la jeune fille revient des années plus tard, le narrateur aura plus que jamais besoin de l'aide de don Gaetano...
ALORS ? Le jour avant le bonheur, un titre simple, d'une beauté discrète et émouvante, à l'image de don Gaetano et son protégé (Erri de Luca lui même ?), poignants protagonistes de ce véritable conte initiatique aux accents napolitains. On y lit de grandes et belles choses sur la vie mais aussi des petits riens,   L'amour, le bonheur, l'innocence que l'on quitte ou la mort sont là aussi, l'auteur les convoque avec la même fibre poétique, la même sagesse. Et puis quand, au bout de  137  pages, Don Gaetano nous quitte, on se dit qu'il n'en fallait pas plus, que tout avait été dit et bien dit, la leçon (de vie, d'amour) était belle et elle resterait longtemps, tout comme le bonheur ressenti à la lecture de ce livre décidément fort précieux... 

LE TROISIEME ANGE (Alice Hoffman - JC Lattès)

QUI ? Alice Hoffman, américaine, née en 1952, est une habituée des records de vente avec plus de 20 romans à son actif et pas mal de best-sellers patentés (Seul parmi les loups, Les ensorceleuses,...). Elle mêle souvent à ses histoires des éléments fantastiques, on parle alors de "réalisme fantastique". A également signé des romans pour les ados (La Prédiction).
QUAND ? Londres, entre 1952 et 1999.
QUOI ? Trois femmes, trois époques, trois histoires d'amour. Lucy, Frieda et Maddy vont se succéder au Lion Park Hotel, où elles trouveront un voisin de chambre pour le moins singulier : un fantôme installé à demeure. Chacune verra son séjour prendre une tournure totalement imprévue.
ALORS ? Hum, pourquoi ce "Troisième ange" ne fonctionne t-il pas comme il devrait ? Le livre a pourtant quelques atouts : une construction à tiroirs plutôt astucieuse (avec trois récits développés de façon antéchronologique), des héroïnes attachantes (surtout Lucy et Frieda, Maddy est plus stéréotypée), et la présence intrigante d'un fantôme que l'auteur exploite avec finesse en le mêlant aux destins croisés de ses personnages. Mais A. Hoffman va trop vite : pour une fois, le rythme trop marqué, trop ramassé étouffe le romanesque et empêche le lecteur de se passionner totalement pour des situations, des moments ou des personnages qui ressemblent davantage à des esquisses qu'à de vrais éléments de romans . Dommage !

lundi 8 novembre 2010

FLEUR DE NUIT (Shani Mootoo - 10-18)

QUI ? Shani Mootoo, née en Irlande mais elle est d'origine indienne et a longtemps vécu à Cuba. Auteur, peintre et cinéaste, elle vit désormais au Canada. Fleur de nuit est, hélas, le seul de ses romans traduit en français.
QUAND ? L'île imaginaire de Paradise, probablement quelque part dans les Caraïbes entre passé, présent et futur.
QUOI ? Mala, vieille femme solitaire et excentrique, est internée après que la police découvre un cadavre dans sa maison. Est-ce celui de ce père odieux qui la battait et abusait d'elle ? Un jeune infirmier efféminé, relégué dans l'hospice aux tâches subalternes, cherche à reconstituer l'étrange et terrible histoire de cette femme dont il est le seul à vouloir s'occuper, et qui le fascine... 
ALORS ? Connaissez-vous le parfum des fleurs du Cereus ? Ouvrez Fleur de nuit et sentez... Rares sont les romans où les odeurs, les parfums mais aussi les couleurs sont célébrées de la sorte. Il plane sur l'île de Paradise et ses habitants un vertige permanent qui touchent aussi bien aux sens qu'à la chair. Certains en perdent la raison, d'autres  égarent leur identité, leur sexe ou bien leurs souvenirs. Shani Mootoo décrit un monde de sensations luxuriant où les passions des hommes, la fièvre du ciel et de la terre ne semblent faire qu'un. Célébration de la nature et des sens, Fleur de nuit élève au même rang le parfum enivrant des plantes tropicales et l'odeur âcre de la pourriture : dans la nature, il n'y a ni bien ni mal juste le cycle éternel de la vie et de la mort, décor grandiose et puissant d'une tragédie qui ne l'est pas moins. Enfants abandonnés, père incestueux, secrets enfouis,... le bouillon des passions fermente à point dans l'atmosphère tropicale de l'île, sans laisser guère de répit au lecteur. On ressort de Fleur de nuit un peu saoul, presque repu mais on n'oubliera pas de sitôt Paradise et ses habitants...

dimanche 17 octobre 2010

LA SEANCE (John Harwood - Le Cherche Midi)

QUI ? John Harwood, critique, poète et romancier australien né en 1946. Curieusement, cet auteur d'abord connu pour ses poésies a remporté son premier véritable succès auprès du public avec un premier roman fantastique, The Ghost Writer (non traduit), lauréat de nombreux prix spécialisés.
QUAND ? Angleterre, fin de l'ère victorienne.
QUOI ? Constance Langton reçoit la visite d'un avocat, John Montague. Celui-ci lui annonce qu'elle vient d'hériter d'un manoir de famille dans le Suffolk, Wraxford Hall, et lui conseille de vendre la propriété sans perdre une seconde. Wraxford Hall jouit en effet d'une sinistre réputation : ses précédents propriétaires y sont morts dans d'étranges circonstances et une jeune femme, Eleanor Unwin, y a mystérieusement disparu avec sa fille. Quels terribles secrets renferme Wraxford Hall ?
ALORS ? Il y a un plaisir coupable à lire John Harwood tant sa fameuse "séance" avive le souvenirs de lectures exquises et de frissons délicieux. De Ann Radcliffe à Bram Stoker en passant par Daphné du Maurier, Conan Doyle ou Dickens, John Harwood s'offre le luxe inouï de ressusciter le roman gothique anglais et ses avatars victoriens dans un hommage exhubérant aux codes de l'époque. La reconstitution est saisissante, les moyens illimités : il suffit de lire les pages consacrées au manoir de Wraxford Hall pour se convaincre de l'habileté et du talent de Harwood (pas une porte sans ses grincements ou un clair de lune sans ses ombres démoniaques !). Captivant de bout en bout, La Séance accuse malgré tout quelques faiblesses, notamment lors d'un dénouement peut-être un poil trop échevelé. Mais, il n'empêche, on se régale et la séance passe bien vite !

lundi 13 septembre 2010

L'ENSORCELEE DE SALEM (Elizabeth Howe - XO Editions)

QUI ? Elizabeth Howe, jeune historienne américaine spécialisée dans l'histoire de la sorcellerie (!). Vit à côté de Salem (!! ) et possède parmi ses ancêtres une des victimes du célèbre procès (!!!).
QUAND ? Massachusetts, entre 1680 et aujourd'hui.
QUOI ? En entrant dans la maison de sa grand-mère défunte, la jeune Connie n'imaginait pas que toute sa vie allait changer. Dans la bibliothèque qu'elle est chargée de vider, elle découvre un livre mystérieux avec, à l'intérieur, une clé et un nom dissimulé, à peine lisible : " Deliverance Dane ". Deliverance, l'une des jeunes femmes condamnées lors de la tristement célèbre chasse aux sorcières de Salem. Qui était-elle vraiment ? Dès que Connie commence son enquête avec l'aide de son petit ami, l'intrépide Sam, les événements inquiétants se multiplient : sa maison est vandalisée et Sam tombe très gravement malade...
ALORS ? A priori, le roman d'Elizabeth Howe ne se distingue pas beaucoup des traditionnels best-sellers américains qui traversent régulièrement l'Atlantique jusqu'à nous : ici, un thriller historique matiné de fantastique qui capitalise avantageusement sur l'histoire des sorcières de Salem. Lecture agréable, donc, mais qui ne susciterait pas grand commentaire si Katherine Howe ne prenait soin de donner à ses "sorcières" une véritable épaisseur à la fois sur le plan humain et historique. K. Howe croit à son sujet et on finit nous aussi par y croire un peu...

samedi 4 septembre 2010

WINTER (Rick Bass - Folio Gallimard)

QUI ? Né en 1958 au Texas, Rick Bass est un ancien géologue reconverti dans l'écriture. Grand admirateur de Jim Harrison, il est l'une des figures marquantes de la fameuse école du Montana et du "nature writing".
QUAND ? 1987, vallée du Yaak, à l'extrême nord-ouest du Montana.
QUOI ? L'installation de Rick Bass et de sa femme dans l'un des endroits les plus reculés et les plus sauvages des Etats-Unis.
ALORS ? Winter, l'hiver, les amateurs de grands espaces littéraires l'ont déjà éprouvé aux côtés de Pete Fromm dans Indian Creek. Le revoici héros et grand ordonnateur d'un autre livre, récit lui aussi d'un exil volontaire au coeur des forêts et des montagnes, là où personne n'attend l'homme ni ne souhaite sa présence. Mais l'appel du froid, de la solitude, résonne aux oreilles de certains comme l'appel du large : Rick Bass y a succombé et il nous livre son histoire d'envoûtement dans un journal intime où l'anecdote côtoie la réflexion, où le trivial embrasse  le sublime. Au fil des pages, Bass nous montre une nature gigantesque et primaire, objet d'une fascination qui confine à l'extase à travers des instantanées de poésie pure. Egarés dans ce no man's land, de minuscules communautés humaines réinventent le quotidien au gré des caprices météorologiques : il n'y a de place que pour l'essentiel : échange, fraternité, entraide et bières devant les matchs de championnat. R. Bass ressemble à un gamin énervé devant une montagne de sucreries : il dévore chaque instant avec une candeur et une joie qui sont la musique d'une ode à la nature touchante, humble et drôle.  Extraordinaire récit de vie (et d'aventure), Winter réveille les sens et aiguise l'esprit, sans doute comme le vent d'hiver lorsqu'il se pose sur les montagnes si chères à l'auteur...