lundi 5 octobre 2009

ENFANTS ETRANGES : Ian McEwan, Jack Clayton

J’ai beau essayer de me souvenir, je ne sais plus si Sa Majesté des Mouches est un bon bouquin. Je l’ai lu il y a longtemps et je me demande s’il ne souffrait pas d’un trop grand académisme. Mais ça peut-être pas tellement d’importance, le livre de Golding valait d’abord par son regard porté sur l’enfance, un point de vue quasi subversif qui violentait l’aura sacrée d’un âge réputé innocent et pur. La force et le malaise latent qui possèdent Le jardin de ciment (roman de Ian McEwan paru en 1978) et Chaque soir à neuf heures (film de Jack Clayton sorti en 1967) font écho à la régression sauvage des héros de Golding et il est troublant de constater les similitudes qui existent entre les deux oeuvres, l’une écrite, l’autre cinématographique. Dans Le jardin de ciment, quatre frères et soeurs dissimulent la mort de leurs parents pour ne pas être confiés à l’assistance publique. Entre eux naissent des relations troubles tandis que le cadavre de la mère entame sa décomposition à la cave… Même réclusion, même aveuglement dans Chaque soir… où sept enfants dissimulent la mort de leur mère pour éviter l’orphelinat. Tous les soirs, ils tiennent conseil auprès d’un mannequin d’osier portant les vêtements de leur mère dans ce qui ressemble à une sorte de culte macabre dont l’aînée, Diana, se fait la pythie fanatique… Ici, pas question d’île perdue, les enfants organisent leur claustration dans de vieilles maisons où ils dissimulent les cadavres et résistent au monde extérieur, en l’occurrence les adultes, indésirables au sein de ces nouvelles sociétés. Question : confrontés à la mort, ces enfants sont-ils le reflet et la caricature obscure des adultes ou laissent-ils éclater leur nature profonde, une innocence pervertie, interlope et trouble ? Ces mises en scène déroutent également par leurs emprunts aux contes de fées, notamment dans le film de Clayton où la maison familiale ressemble à un manoir où les enfants auraient pris le pouvoir. L’atmosphère fantastique qui auréole le film montre bien que les enfants sont d’une autre monde, ils appartiennent à l’autre côté du miroir, à un monde étranger aux adultes, dangereux et inconnu. Plus brut, davantage ancré dans le réalisme, Le Jardin… confronte les enfants à la solitude, au désespoir et à la transgression. La vie violente les enfants et eux-mêmes finissent par violenter ceux qui les entourent, adultes ou enfants. Il est question de pulsion de mort mais aussi de survie. On repense au final de La Nuit du Chasseur quand Lilian Gish dit à propos des enfants : "Que Dieu protège les enfants,  le vent souffle, la pluie est froide mais ils résistent (...) ils résistent et ils supportent"...

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